Initiales (Michel Edo)

dimanche 22 janvier 2017
par  NLLG

La fin du monde n’aurait pas eu lieu

Michel Edo

Initiales, 22/03/2017


Autant se débarrasser de cela tout de suite, je ne sais pas vraiment parler des romans de Patrik Ourednik... Pour la simple et bonne raison que ce n’en sont pas vraiment, des romans, ou alors des « post-quelque-chose ». Dire de ses livres que l’indice de romanesque y est faible est un euphémisme. En une phrase : Gaspard Boisvert est persuadé qu’il est le petit-fils d’Adolf Hitler par sa grand-mère qui aurait couché avec un caporal de l’armée allemande pendant la Première Guerre mondiale... Vous savez ce que c’est, n’est-ce pas ?

Bref, Gaspard est bien embêté avec ce putatif héritage génétique, et par le plus grand des hasards,il se trouve être recruté par le président le plus bête de l’histoire des États-­Unis pour être son conseiller froggy.

Mais au fond, ce n’est pas très important parce que si vous avez bien suivi, le sujet du livre, c’est la fin du monde, ou plutôt le fait qu’elle n’aurait pas eu lieu. Mais pour parler de la fin du monde sans perdre trop de lecteurs en cours de route, on trouvera également dans ce volume, et ce, sur recommandation expresse de l’éditeur, un peu de sexe (mais pas trop) ; de la religion (parce que religion et fin du monde font bon ménage) ; des dictateurs (et même leurs performances ramenées en taux horaire... désopilant) ; et un certain nombre d’autres sujets de bon goût que je préfère taire pour garder le suspense. Néanmoins, on retrouve en fin d’ouvrage un Gaspard passablement perturbé par sa proximité avec Georges W., avec un trouble qui le fait passer de la placidité la plus nirvanesque à la folie furieuse dès qu’il entend ce genre de contre-vérités qui nous laisse la plupart du temps indifférents : l’excision est un fait culturel, ou les médias sont indépendants, ou le capitalisme apporte bienfaits et prospérité pour tous. Bref, ce que l’on entend tous les jours sans bouger une oreille.

Et c’est là que le livre fait mouche, en rappelant que la passivité donnera toujours raison au plus fort et qu’à force de faire le dos rond, on finira peut-être par ne plus savoir ce que c’est qu’être debout.

Ah ! Un autre truc : il n’y a pas d’exergue à ce livre, s’il y en avait une, je suis sûr qu’elle serait signée Thomas Bernhard ou Jaroslav Hasek.